Avec son mari Adrien ils ont fondé l'Amante verte, une ferme BIO en Ille-et-Villaine qui produit des infusions gastronomiques et explore le spectre aromatique de la nature.
QU’EST-CE QUE L’AMANTE VERTE ?
Une ferme bio que l’on a créée avec mon mari Adrien. On y produit des plantes aromatiques, que l’on commercialise ensuite en infusion et en plantes sèches pour les restaurateurs et restauratrices qui ont envie d’explorer le spectre aromatique de la nature. Nous travaillons à la main, au gré du terroir, du climat et des saisons pour ne pas dénaturer nos tisanes.
On ne se considère pas seulement producteurs, notre travail est avant tout celui de médiateurs du végétal. Pour ce faire, nous avons installé un café librairie sur la ferme, où l’on propose des ateliers, de la sensibilisation, etc. Partout où le goût de la nature peut être utile on essaie de l’explorer et de le rendre accessible aux autres.
COMBIEN DE TISANES PROPOSEZ-VOUS ?
Nous cultivons 47 variétés de plantes et proposons 8 assemblages, créés comme des parfums, avec des notes de tête, des notes de fond, des mélanges parfois complexes pour casser l’idée reçue qu’une tisane n’a pas de goût. Nos infusions expriment la rencontre d’un terroir, d’une nature et de nos savoir-faire.
QUAND ET COMMENT A DÉBUTÉ VOTRE HISTOIRE ?
Adrien et moi nous sommes rencontrés dans un cadre militant : sur un Camp Action Climat. On s’est rejoint sur une envie de changer le monde, de faire quelque chose d’utile, sauf qu’on faisait des actions à 30, il était donc difficile d’en voir l’impact. Alors on s’est dit qu’il fallait commencer par transformer nos vies, nos habitudes et mettre notre énergie dans un espace qui nous ferait du bien et qui serait utile aux autres. Lui avait cette envie d'installation agricole et moi de café librairie. On s’est dit pourquoi pas ! On a fait notre exode urbain et on a monté un projet qui correspondait à nos valeurs : collectif et ouvert.
L’Amante Verte est née il y a 10 ans, c’est une SCI coopérative, avec 126 copropriétaires : des potes, des voisins, des personnes du territoire qui souhaitaient accueillir un projet comme le nôtre, des gens qui soutiennent l’agriculture paysanne, des gens qui aiment les plantes... chacun ici a une voix égale. Nous sommes bien sûr les porteurs de projets, on fait le boulot au quotidien, mais on essaie d’interagir en réseau avec ceux qui partagent nos valeurs. On s’appuie donc sur deux piliers : la nature d’une part, et l’humain de l’autre.
VOUS NOUS EXPLIQUEZ UN PEU VOTRE DÉMARCHE AU QUOTIDIEN ? VOS ENGAGEMENTS ?
On ne fait pas de dissociation entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle. On applique les mêmes règles à notre travail et à notre quotidien. Ce sont des règles de vie simples, d’autonomie basées sur le cycle des saisons. On suit la lumière naturelle, la température, les flux de la nature, à la fois pour notre production mais aussi pour notre santé, notre sommeil, notre alimentation.
Nous ne sommes pas encore en autonomie alimentaire – même si cela nous plairait – mais on s’appuie sur les synergies locales, on fait du troc, des échanges avec les maraîchers du coin.
Les bocaux Le Parfait en sont un bel exemple : quand je me suis lancée dans la conservation, j’ai demandé des conseils aux anciens pour faire des conserves. Ils sont heureux de partager leurs savoirs mais aussi leurs matériels ! Le deal de base c’est « je te donne des bocaux, tu me donnes un ketchup ». Pour moi le bocal c’est un tout : la conservation des produits, la saisonnalité et la durabilité mais aussi l’échange : c’est un contenant qui circule avec son contenu, qui véhicule du goût et du lien !
VOUS SENTIEZ LE BESOIN D’UN RETOUR À LA TERRE ?
La ville ne nous convenait plus. L’autonomie, la solidarité, le partage, tout cela est beaucoup plus difficile à mettre en place dans un environnement où les injonctions à la consommation sont permanentes. J’associe notre départ avec un besoin personnel d’équilibre, de silence, mais aussi une envie de changer notre rapport aux autres et au temps. À la campagne, on est occupés tout le temps mais de manière totalement différente. On est revenus à la toute première étape, celle de se nourrir, car il n’y a pas plus essentiel que de récolter les fruits de la terre.
QU’EST-CE QUI VOUS A LE PLUS FASCINÉ LÀ DEDANS À VOS DÉBUTS ?
La rétribution symbolique : se lever tous les matins et se dire voilà : c’est vraiment ça mon métier, je vis un rêve éveillé. Bien sûr il y a des petits challenges, des problèmes à régler, etc., mais ce n’est rien par rapport au reste, par rapport à la fierté que cette vie-là procure. On ne s’attendait pas non plus à une telle qualité de relations sociales. Les liens sont intergénérationnels et basés sur l’entraide et la convivialité. On est tous là pour filer un coup de main et prendre un verre ensuite ensemble !
VOTRE PLUS GROS CHALLENGE ?
Quand Adrien s’est cassé le genou. On n’avait jamais réalisé que la limite pourrait venir de nos corps. On était face à un problème vertigineux : ici c’est Saint-Jacques de Compostelle tous les jours, on a 10km de rang à faire à genoux quand on désherbe… Il a donc fallu adapter le poste de travail. On s’est appuyé sur le financement participatif pour lever des fonds : les chefs nous ont aidé, les clients nous ont aidé, notre réseau nous a énormément supportés, et on a réussi à adapter le poste grâce au Toutillo, un cobot (robot collaboratif non automatisé) qui sert de support humain pour travailler en position allongée. La nature est bien résiliente, à nous de l’être aussi. Ça demande énormément d’adaptabilité, une intime conviction qu’il ne tient qu’à nous d’avancer !
VOUS AVEZ AUSSI OUVERT UN CAFÉ OÙ L’ON VIENT AUTANT POUR DÉGUSTER VOS INFUSIONS QUE POUR S’INSTRUIRE ET PARTAGER. VOUS POUVEZ NOUS EN DIRE PLUS SUR CE PROJET ?
Adrien a cette sensibilité pour le végétal, moi c’est pour la communication. On peut mettre plein de choses dans le mot ferme, dont le mot fermé. Moi je voulais tout le contraire : une ferme ouverte !
Dans notre café, on trouve de grandes tables, car la commensalité est extrêmement importante pour nous. Tout comme l’est la transmission : on a la culture du logiciel libre ici, on est pour le partage. Donc on fait des ateliers, des balades sensorielles par exemple, des concerts, des conférences, des lectures, des repas…
Mettre en lumière ces métiers, faire découvrir la nature, inviter les gens à s’interroger sur leur rapport à elle, c’est un acte simple, sans drapeau et sans slogan, c’est du plaisir et de la joie comme vecteurs d’un message.
UN SOUVENIR EN BOCAL ?
Quand j’ai commencé à faire des conserves, les anciens m’ont tant appris. On voit que les bocaux créent du lien et de la durabilité. On échange les recettes, les techniques et on repart toujours avec un pot de confiture, une fermentation, une conserve sous le bras. Pour moi c’est ce potentiel de transmission qui est important !