En 2016, elle a lancé le Recho, une association qui lutte contre la précarité et l'exclusion à travers une cuisine solidaire et responsable !
COMMENT EST NÉ LE RECHO ?
En 2016, on était face à des images très dures de la crise migratoire ; on a voulu y répondre, de manière positive et joyeuse. Avec 7 amies, on a eu l’idée d’animer des ateliers collaboratifs dans les camps, pour que les populations locales et les réfugiés se rencontrent à travers des gestes simples : cuisiner et manger ensemble.
On a lancé une campagne de financement participatif (pour acheter un foodtruck et des matières premières) qui a reçu beaucoup de soutien ! En août on était sur le camp de Grande-Synthe après avoir approché les associations locales et la mairie.
QUEL ÉTAIT VOTRE OBJECTIF ?
On voulait faire tomber les barrières et faire tomber la peur de l’autre, restaurer au sens premier du terme c’est à dire réparer le lien. On avait comme souhait de venir avec des caisses d’épices, des ingrédients qui venaient des pays des réfugiés, pour qu’ils puissent nous transmettre leur cuisine !
On arrivait le matin, on cuisinait avec des bénévoles, on apportait 150 repas dans le foodtruck et après le déjeuner on retournait aux ateliers de cuisine jusqu’au soir. On pouvait ainsi proposer en moyenne 500 repas par jour. Cela nous permettait aussi de redonner du mouvement, d’animer un site qui servait surtout d’énorme salle d’attente. On cuisinait ensemble de manière assez rudimentaire, avec un barbecue fait dans un bidon et avec beaucoup de volonté et de convivialité !
POURQUOI AVOIR CHOISI LA CUISINE ?
Parce que c’est un medium génial ! C’est un prétexte à la rencontre, un simplificateur, un peu comme la danse ou la musique, mais qui est aussi porteur de mémoire, de souvenirs. Et la mémoire sensorielle c’est l’une des plus fortes. On est vraiment dans le partage. Dans le partage d’une intimité sur le plan de la gourmandise et du plaisir. C’est juste très fort, joyeux et simple !
Je reste aussi persuadée que quand on met des personnes dans une même pièce et qu’on leur propose de construire quelque chose ensemble, que ce soit une maison ou un plat, immédiatement la machine se met en place, au-delà de la langue et des différences. Il n’y a rien de plus fort, de plus liant, qu’un projet collectif pour réunir les gens.
COMMENT LE PROJET A-T-IL ÉVOLUÉ ?
L’expérience était tellement forte qu’on a voulu pousser le curseur plus loin. On s’est posé la question de savoir ce qu’était une association, quelle pouvait être la portée entrepreneuriale de notre projet, etc. On s'est dit que si on voulait avoir un impact sur le long terme, il fallait construire un volet financier, convaincre des fondations, des donateurs, mettre en place une vision sur plusieurs mois, plusieurs années. On avait auprès de nous pas mal de chefs engagés alors on a commencé à répondre à des appels à projets, des demandes de team building, de traiteurs, etc. Cela nous permettait de repartir en mission sur les camps. Nous sommes retournés une deuxième fois à Grande-Synthe, en partenariat avec la commission européenne. En août 2017, on est parti en Belgique, pour être témoin actif de l’accueil des réfugiés en Europe. Cette fois-ci on a collaboré avec les centres d’accueil, donc on n’avait plus la problématique de nourrir beaucoup de personnes, mais celle de créer des activités ludiques. On faisait des compétitions type Top Chef, avec des points, etc. C’était très drôle !
Fin 2016, le maire d’Arras nous a sollicités. Le Grand RECHO - projet de restauration éphémère solidaire - est né, avec la même envie de faire rencontrer locaux et réfugiés autour de la cuisine. On cuisinait tous ensemble environ 200 repas par jour et il y avait également une programmation artistique. On sollicitait tous les publics pour qu’ils se rencontrent : clubs d’entreprises, personnes aisées, publics précaires via la collaboration avec d’autres associations, etc. Le tout accompagné par un collectif de chefs géniaux, comme Olivier Roellinger, Florent Ladeyn, Michel Troisgros, Amandine Chaignot, Manon Fleury, etc.
VOUS AVEZ ÉGALEMENT CRÉÉ LA TABLE DU RECHO ? DE QUOI S’AGIT-IL ?
On a été contactés par l’association Aurore pour l’accompagner sur le développement d’un restaurant, au cœur de son centre d’accueil situé dans une ancienne caserne : La Table du RECHO est née. Ce qui nous a permis de dérouler un peu plus le fil de nos engagements avec une cuisine du marché et une mission d’insertion professionnelle. On voulait aussi pousser plus loin notre réflexion sur l’impact de l’assiette et la charte qu’on veut poursuivre. On ne peut pas s’occuper d’un seul bout de la chaîne, d’une injustice faite d’un côté sans inclure les injustices qui sont faites de l’autre. On a donc décidé d’exclure tout ce qui était issu de l’agroalimentaire, et de ne travailler qu’en direct avec les producteurs, sur du bio et du raisonné. Cela nous permet également de transmettre les valeurs de la saisonnalité, et du local, mais aussi leurs préparations et leurs conservations.
QUELLE A ÉTÉ LA RÉACTION DES GENS DU QUARTIER ?
Comme partout, il y a d’abord eu un temps où il fallait convaincre. Avec la caserne, ce qu’il s’est passé, c’est qu’avant l’ouverture de La Table, les portes étaient fermées ; et les portes fermées, ça laisse libre cours à toutes les peurs. Une fois qu’on ouvre les portes, cela change tout. On a un lieu hyper chaleureux, hyper accueillant, avec des enfants qui courent partout. Ça modifie forcément le regard des gens !
DANS UN INTERVIEW VOUS PARLEZ D’« UN LIEU QUI RESTAURE » ? VOUS JOUEZ SUR LE DOUBLE SENS DU TERME ?
Oui, c’est même notre baseline ! Cuisinons ensemble pour restaurer le monde ! On ne peut pas dissocier l’engagement social de l’engagement écologique. L’impact environnemental et politique de l’assiette, je ne peux pas ne pas le voir, donc l’alimentation est un levier énorme pour comprendre ces enjeux-là !
UN RITUEL FEEL-GOOD ?
Être ensemble ! Hashtag cœur cœur. Et manger ensemble. Manger de bonnes choses pour se restaurer de l’intérieur !
VOTRE PLUS GRANDE SURPRISE ?
La gentillesse, la bienveillance et la solidarité globale des humains. Tu te rends compte que la majorité des gens sont quand même gentils, qu’ils ont envie d’aider et de venir à la rencontre des autres. C’est hyper émouvant de voir l’engouement autour de ce projet ! Dès le début, tous les feux sont passés au vert, on a reçu tellement de soutien – 750 personnes ont participé au crowdfunding, simplement sur cette histoire qu’on a autour de la cuisine.
UN SOUVENIR EN BOCAL ?
Depuis le début, c’est dans notre ADN de récupérer des invendus et de les transformer.
Donc les bocaux, la conserve, la lacto-fermentation... nous permettent de ne pas jeter et de lutter contre le gaspillage alimentaire !